Hideo Kojima est un artiste génial dont l’œuvre est parfois difficile d’accès. Je porte particulièrement dans mon cœur la série Metal Gear Solid et je suis loin d’être le seul. Mais depuis les années 2010, les productions Kojima m’intéressent beaucoup moins. Trop cinématographique au détriment du gameplay, trop prétentieux, bref trop « jeux vidéo d’auteur ».
Toutefois j’admire sa capacité à surprendre et à l’heure d’une industrie du jeux-vidéo qui peine à prendre des risques pour se renouveler, il est l’un des rare à avoir le panache de nous surprendre avec une production « AAA ». Une prise de risque maximum qui est rafraichissante.
C’est dans cet état d’esprit que je me suis lancé dans l’aventure Death Stranding : mi-curieux, mi-inquiet. On ne va pas se mentir, si les premières heures ont été difficiles, j’ai passé plus de 100 heures à découvrir et à domestiquer cet univers à nul autre pareil. Un beau score qui démontre l’intérêt de ce jeu malgré son inaccessibilité en début de partie.

A role-defining experience
C’est ce que promet le marketing et le moins que l’on puisse dire, c’est que la promesse est tenue. Death Stranding est un jeu surprenant, unique en son genre et il est impossible de se préparer à ce que l’on va vivre.
Être innovant est évidemment une qualité forte pour une œuvre d’art, personne ne viendrait s’extasier devant le remaster de la Joconde Part 2 HD Director’s cut…
Mais c’est également un risque car à tant casser les codes de l’industrie que les joueurs ont intégrés au fil des années, il est très difficile de rentrer dans le jeu.
Pourtant une fois passé le cap des 10 premières heures de jeu on commence à percevoir les possibilités du gameplay et à appréhender les contours de l’univers dans lequel on évolue. Dix heures pour commencer à s’amuser, c’est très long surtout dans un monde où le jeu vidéo moyen se termine en une dizaine d’heure. Bienvenu donc dans un jeu clairement pas tout public qui se savoure uniquement sur la durée.

It’s a long way to the top
On en arrive même à se demander si Death Stranding n’en fait pas trop pour nous dégoûter. Images choquantes (un bébé prématuré vous accompagnera tout au long de votre aventure), gameplay exigeant (vous pouvez littéralement vous casser la gueule en marchant sur une pierre trop grosse, qui a dit que Dark Soul était hardcore), scénario confus (vous allez avoir le même niveau de compréhension de la situation qu’un chiot Pékinois dans une situation d’urgence médicale) : ça part plutôt mal ?
C’est un mal nécessaire ! Installer l’univers progressivement en ajoutant rencontre après rencontre de nouvelles couches qui sont autant de clés pour le déchiffrer, confronter le joueur aux difficultés d’un personnage qui tente de remplir une mission ‘basique’ de livreur de colis dans un monde apocalyptique pour finalement vaincre la nature (ainsi que les monstres invisibles et les terroristes, une paille) et devenir maitre de l’environnement que l’on aura su domestiquer à grand renfort de constructions difficiles à réaliser mais excessivement satisfaisantes à utiliser.
Car oui, toute bonne oeuvre permet de progresser et de voir évoluer son personnage. Et après une dizaine d’heures de jeu, vous allez transformer le monde de Death Stranding : construction de structures pour faciliter et sécuriser les déplacements, amélioration de son équipement pour s’adapter aux difficultés propres à chaque route, fabrication de véhicules adaptés aux chemins et à la quantité de marchandises. Il est gratifiant de pouvoir transporter en quelques minutes plusieurs centaines de kg de marchandise en quelques minutes grâce à la construction de ponts, routes et stations de recharges. Le plaisir de domestiquer une nouvelle région (jungle corrosive, montagne enneigée, cratère truffé d’ennemis) qui après vous avoir mis au défi, est apprivoisé par votre travail et planification. Un vrai bonheur pour un ingénieur mais il faut être sensible à ça. C’est un peu comme l’endorphine du coureur, ce n’est pas un plaisir accessible à tous.

La grandeur vient des débuts modestes
Au final, le plaisir de rouler sur les lacets d’une route menant au plus haut sommet de la montagne, de rallier un refuge éloigné de tout via un complexe sytème de tyroliennes et la domination à l’aide d’un armement sophistiqué face aux MULE et autres échoués est d’autant plus fort que ces épreuves étaient difficiles. L’histoire aussi, même si elle reste relativement classique finalement, dévoile son lot de plaisir quand on comprend mieux les relations, les enjeux et l’univers dans lequel on évolue. Mention spéciale aux (prestigieux !) acteurs qui renforcent l’immersion dans cet univers aussi dérangeant que cohérent.






A retenir
Il faut avoir passé des heures à avancer difficilement, la peur au ventre de perdre sa marchandise, à réfléchir sur la meilleure approche pour contourner un obstacle et à perdre ô combien de fois sa vie pour saisir le bonheur d’avoir réussi à dépasser tout ça. C’est finalement une belle leçon de vie : et si le véritable bonheur s’atteignait après avoir triomphé humblement d’épreuves difficiles ?
👍 UN BON SOUVENIR : original, exigeant et captivant après une intro rébarbative